Le projet du Frac Île-de-France conçu par Céline Poulin répond aux enjeux du monde actuel, aux nécessités de l’art et aux besoins du territoire francilien. Pour ce faire, la programmation déhiérarchise les pratiques, les espaces d’exposition et les zones géographiques et place ses usagers et usagères au centre des expositions, de la création et de la collection.
D’une part, en s’appuyant sur la spécificité du Frac Île-de-France, structure multisite, qui lui permet de se déployer sur différents « plateaux », au Plateau à Paris, aux Réserves à Romainville, dans les lycées et ailleurs encore. D’autre part, en privilégiant la co-création, la pratique amateur et la rencontre directe avec l’artiste. Par ailleurs, la collection s’ouvrira elle-même à la participation, dans la logique des droits culturels et de l’éducation populaire. Se sentir accueilli, autorisé à passer la porte est l’enjeu principal d’une telle structure.
Le modèle de l’exposition évolue alors pour faire du Frac Île-de-France un véritable lieu de vie et de recherche, misant avant tout sur l’échange, la pratique pédagogique ou encore l’accompagnement des jeunes artistes. Toute la programmation se veut une histoire partagée et polyphonique, co-construite avec les équipes, les artistes, les partenaires et les publics, basée sur leurs usages, la mise en commun et le respect des ressources.
Frac Île-de-France, les Réserves & Fondation Fiminco, Romainville
Commissaires : Jade Barget, Daisy Lambert, Camille Martin, Céline Poulin & Elsa Vettier
Pour les 40 ans des Frac, il s’agit à la fois de repenser l’histoire de l’institution, construite notamment par le biais de sa collection, et de tendre vers des futurs communs et désirables. À cette occasion, l’exposition se déploie sur deux lieux du quartier culturel de Romainville, Les Réserves du Frac Île-de-France et la Chaufferie de la Fondation Fiminco.
Plusieurs commissaires ont ainsi été invitées à écrire leur propre récit à partir des pièces de la collection en dialogue avec d’autres œuvres. Traditionnellement, le gunaikeîon était l’appartement, dans les maisons grecques et romaines, où les femmes passaient la plupart de leur temps, et qui se situait à l’écart, afin qu’elles n’aient aucun contact direct avec la rue. Avec cette exposition, il importe au contraire d’ouvrir les espaces des Réserves et de la Chaufferie aux quartiers alentours et aux bruits du monde. L’exposition se déploie en plusieurs chapitres, à travers les deux lieux, où les commissaires proposent une actualisation de la collection à l’aune de leurs obsessions respectives, ancrées dans la société contemporaine.
Commissaire : Céline Poulin
« A Change of Perspective » est la première exposition personnelle en France de Ndayé Kouagou. Ses différentes pratiques s’articulent autour du langage sans qu’il n’établisse de hiérarchie entre elles. De la matérialité du tableau, aux vidéos évoquant l’univers des influenceurs, à celles intimes et éphémères des performances ou des workshops, son œuvre considère au même niveau la transmission via l’objet que via le spectacle ou le format pédagogique. S’adresser à l’autre est le leitmotiv de son besoin de créer. Artiste autodidacte, il y a dans son travail une volonté d’échange et d’ouverture, une envie d’autoriser l’autre à se rêver lui-même. En ce sens, son travail se rapproche des stars du web et des réseaux sociaux qui cherchent à nous donner de l’énergie et de la volonté, et nous serinent “Sois toi-même !”.
Ouverte à la diversité des pratiques artistiques contemporaines, la collection du Frac Île-de-France va désormais développer quatre axes :
> Acquérir des œuvres issues de pratiques collaboratives et socialement engagées : fortement développées en France comme à l’étranger, ces pratiques constituent un défi à une conception de l’œuvre centrée sur un auteur unique et un objet fini, mais sont fondamentales pour les enjeux artistiques contemporains.
> Se doter d’œuvres praticables ou d’œuvres d’usages : protocoles à activer, mobilier, machines à café, jeux vidéos, jeux de société : les pratiques contemporaines incluent de plus en plus les publics dans leurs usages ou leur réalisation.
> Développer le fonds vidéo : médium récent, particulièrement innovant et à l’évolution rapide, dont l’adaptabilité est tout à fait propice à la diffusion et dont l’adresse est particulièrement pertinente pour le Frac.
> Développer l’acquisition des pratiques émergentes en Île-de-France, où le bassin artistique est foisonnant, afin de soutenir la jeune création.
Le Frac Île-de-France a lancé fin 2016 un projet conçu pour les lycées franciliens, à partir d’un module itinérant réalisé par l’artiste Olivier Vadrot, contenant une sélection d’œuvres de petit format.
« Flash Collection » propose ainsi sur un mode ludique, une découverte de la création contemporaine à destination des lycéens. Les malles et les sacs à dos « Flash Collection » contiennent une sélection d’œuvres de petit format et permettent une rencontre plus directe avec l’art contemporain en désacralisant son mode de présentation et en réinventant une nouvelle manière d’accéder aux œuvres, plus immédiate, ouverte et sensible.
Avec ce projet, le Frac investit les différents espaces du territoire francilien afin d’aller à la rencontre de tous les publics et notamment les plus éloignés des propositions culturelles, ce qui constitue le cœur de sa mission de diffusion.
Un nouvel espace de pratique libre a pris place dans l’accueil du Plateau, réaménagé en septembre 2023 pour intégrer les usages amateurs du lieu. L’artiste Ndayé Kouagou a souhaité l’intégrer directement à son parcours et en faire une œuvre participative. L’exposition s’ouvre et se ferme ainsi sur une aire d’activité pour tous et toutes, où s’expose un jeu de questions-réponses reflétant la palette de doutes que génère l’injonction à l’évaluation permanente.
L’un des murs est consacré à l’accrochage des réalisations faites par les publics individuels ou lors des workshops menés par Ndayé Kouagou. L’artiste a également conçu les trois tables. Comme dans ses tableaux, des lettrages et des tissus colorés sont pris dans la résine, ses mots apparaissent à la surface comme pour entamer une discussion ou commencer un atelier.
Retours d’expérience de l’équipe :
« Le fait que les œuvres du public soient accrochées dans l’espace de pratique libre connectent les visiteurs entre eux, comme s’ils se rencontraient. Finalement c’est un espace d’échange. Les personnes restent, se posent en famille ou entre potes dans l’espace de pratique libre, c’est un lieu de rencontre physique entre des visiteurs qui ne se connaissent pas, mais aussi un moment de partage et de discussion après l’expo, ce qui est quand même chouette ! Ça donne aussi envie au public d’entrer, ils collent leur nez à la vitre parce qu’ils voient les tables d’atelier ». Sarah Chevalier, médiatrice.
« C’est un espace au cœur de l’exposition où il y a une diversité de publics qui se mêlent naturellement, des jeunes, ados, enfants, personnes âgées, pro. ou voisins du quartier, qui se retrouvent autour des tables et se mettent à faire une activité artistique. Voir des œuvres réalisées par le public dans une exposition d’art contemporain ça met à l’aise, ça casse cet aspect froid, le seuil de l’art contemporain est franchissable ! » Soyoung Huyn, médiatrice.
La Project Room est le nouvel espace prospectif et expérimental du Frac qui prend place dans la dernière salle du Plateau. Elle offre la possibilité de restituer des projets de recherches, de diplômes, de bourses ou de résidences d’artistes français ou étrangers, habitant l’Île-de-France, de préférence, mais pas uniquement. Cette programmation réactive et flexible se construit en dialogue avec les structures essentielles soutenant la création, et particulièrement la jeune création, comme la Fondation Emerige, mais aussi les écoles d’art et les universités franciliennes ou internationales. En 2024, les Project Room se construiront avec, entre autres, Drawing Now Art Fair et le Printemps du dessin, puis la bourse Révélation Emerige.
Parisa Babaei
Is you is, or is you ain’t (my baby)?
Du 21 septembre au 5 novembre 2023
Commissariat Maëlle Dault
Parisa Babaei est née en 1992 à Tehéran en Iran. Elle vit et travaille à Paris (Bobigny et Pantin). Nourri de sa culture iranienne et française, le travail de Parisa Babaei est principalement axé sur des arrangements mêlant écriture en différentes langues, matériaux usuels et pauvres, et images ou objets de la culture populaire associés dans des compositions qui peuvent être rejouées d’une toute autre manière dans différents contextes.
De correspondances visuelles en mise en abyme, les installations qu’elle réalise associent objets, photographies, éditions, vidéos, textes, ou archives sonores et dévoilent avec humour le sens caché d’une histoire politique intime. La multiplicité des univers se contamine par analogie ou correspondances visuelles créant une absurdité poétique qui révèle une sorte de « surréalisme social ».
Le Frac Île-de-France a initié en 2023 un nouveau partenariat avec l’Institut National des Jeunes Aveugles (INJA) afin de permettre la découverte de la création contemporaine à travers une approche sensible de l’art contemporain.
Accompagné par l’artiste Anna Holveck et le service des publics, un groupe de collégiens et collégiennes a été invité à découvrir le travail de l’artiste et à se réapproprier les sons qui les entourent.
À travers une approche pédagogique et une exploration du son produit par un réfrigérateur, l’artiste Anna Holveck a amené les participants et participantes à explorer les possibles de la voix et à se réapproprier son œuvre « Frigidaire » acquise par le Frac Île-de-France en 2021.
Le workshop s’est clôturé par une performance collective ouverte au public au cœur de la salle André Marchal de l’INJA, à Paris.
Un témoignage :
« Lors de la première séance du workshop, nous avons rencontré les enfants et nous nous sommes présentés oralement. Afin de mieux nous cerner, certains enfants nous ont demandé s’ils pouvaient toucher nos visages et nos mains pour mieux nous imaginer. C’était un moment drôle et sensible. Les séances suivantes, nous avions le droit à une inspection pour voir si nous avions changé. » Laure Delclaux, coordinatrice de projets, service des publics
« Le projet des « Mille et un plateaux » que j’ai conçu pour le Frac Île-de-France part de ces spécificités du Frac et de la région Île-de-France. Un des premiers axes est la question de la déhiérarchisation des espaces et des zones géographiques. Il est important pour un Frac de considérer chaque territoire de la même manière, c’est dans cette optique que j’ai imaginé les projets hors-les-murs avec une exposition multi-territoriale dans le cadre de programmes territoriaux. Ce qui compte également fondamentalement pour moi, c’est la déhiérarchisation des pratiques, c’est-à-dire que l’exposition est bien une pratique centrale, mais elle est tout aussi importante que l’atelier, le workshop, et d’autres moments de rencontre entre l’art, les artistes et tous les publics.
C’est pourquoi le projet du Frac développera le lieu d’art comme un lieu de vie qui va répondre aux usages des personnes qui l’utilisent (artistes, théoriciens et théoriciennes, habitants et habitantes, enseignants et enseignantes, étudiants et étudiantes, élèves, etc.) pour que tout le monde puisse se sentir accueilli et bienvenu dans cet espace. Enfin, la question du respect des ressources (humaines, financières, écologiques) est essentiel. En réalité, tout s’articule, par exemple inscrire la médiation au cœur du projet artistique c’est aussi croiser les budgets, cela fait partie d’une stratégie qui est de mettre les artistes, le vivant au cœur du projet.
Dans les rapports avec le territoire, nous allons développer avec l’équipe des expositions multi-territoriales qui auront lieu à la fois aux Réserves, au Plateau et aussi chez des partenaires culturels, dans des lieux du champ social ou d’éducation populaire, de l’éducation nationale, etc. Ces expositions vont déhiérarchiser les espaces et les pratiques en mettant sur le même plan les expositions au Plateau et aux Réserves, mais aussi les expositions sur le territoire, des résidences d’artistes, des projets d’ateliers qui s’organiseront tous autour d’un sujet commun. […] »