
Installé dans l’ouest de l’île dans une maison créole, patrimoine de la fin du 19e siècle, le FRAC RÉUNION est le seul Frac d’outremer.
Lors de sa création, il construit sa collection autour de plusieurs ensembles représentatifs de la scène artistique française (surréalisme, abstraction, figuration narrative et figuration libre). La collection s’enrichit rapidement pour s’ouvrir aux territoires indo-océaniques, africains, asiatiques et aux diasporas.


Après une formation en anthropologie sociale et culturelle à l’université Paris V et une formation d’histoire et théorie de l’art à l’École des hautes études en sciences sociales, Jean-Christophe ROYOUX a été directeur des publics de la Fondation Cartier pour l’art contemporain à Jouy-en-Josas et a fondé et dirigé l’agence de projets artistiques 3CAssociés. Il a également été conseiller des directeurs de la Fondation Hartung-Bergman et du département culturel de la Fondation de France.
Inspecteur et conseiller de la création, des enseignements artistiques et de l’action culturelle (ICCEAAC), Jean-Christophe ROYOUX est, depuis 2008, conseiller pour les arts plastiques à la Direction régionale des affaires culturelles de Centre-Val de Loire, au sein de laquelle il accompagne la mise en œuvre des politiques publiques en faveur du soutien à la création et à la diffusion dans le champ des arts visuels.
Commissaire d’exposition et critique d’art indépendant, membre de l’AICA, il a publié des articles et essais dans différentes publications portant sur le design, l’architecture et les arts plastiques.
Le projet intitulé « Au bord des mondes » de Jean-Christophe ROYOUX offre de belles perspectives pour le FRAC Réunion en matière de développement à l’international et une forte dimension partenariale permettant la valorisation des artistes ultramarins.
Jean-Christophe ROYOUX succède à Béatrice BINOCHE, qui dirigeait le FRAC REUNION depuis 2015.

Le FRAC Réunion a le plaisir de s’associer à Documents d’artistes La Réunion pour présenter l’exposition Focus, conçue par Mathilde Rousselie et Anna Vrinat, et consacrée à quatre artistes présent·es à la fois dans le fonds documentaire de DDA et dans la collection du FRAC Réunion.
Le principe est simple : une salle, un·e artiste. Ce format offre la possibilité de s’arrêter sur une proposition, de revisiter un moment du travail en cours ou de mettre en lumière une œuvre particulière.
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Yassine Ben Abdallah propose une pratique de recherche qui se matérialise par le design, grâce auquel il questionne l’objet et plus particulièrement l’objet social. Il interroge la culture matérielle afin d’explorer la manière dont celle-ci forge des identités ou les transforme.
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Cristof Dènmont développe une peinture nourrie de signes et de motifs composites, où se croisent pictogrammes, logos ou figures hybrides. En détournant ces images et en les combinant de façon inattendue, il construit un vocabulaire visuel en perpétuelle réinvention. Sa pratique interroge la circulation des signes et leur pouvoir de transformation, entre ancrage local et résonances globales.
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En prenant le dessin pour point d’ancrage, Chloé Robert explore d’autres médiums tels que le textile, la fresque ou la vidéo, afin de révéler un monde à la fois fantasmé et incarné, peuplé d’animaux, de figures humaines et de créatures hybrides. Chacune de ses œuvres est une invitation (ou peut-être une mise en garde) à se reconnecter à ces espaces invisibles et silencieux qui persistent, et à l’infinie pluralité des dimensions du réel.
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Dans les œuvres de Pascale Simont, le corps apparaît par fragments, oscillant entre cellule, organe et racine. Sa pratique hybride, entre peinture, aquarelle et sculpture, compose des cartographies organiques où chaque forme devient métamorphose. Elle déplace l’anatomique vers le quotidien et invente un langage plastique fluide, entre herbier et cabinet d’anatomie, intime et poétique.
Exposition réalisée avec le soutien du Ministère de la culture - Direction générale de la création artistique (DGCA), dans le cadre du plan Mieux produire mieux diffuser.

Pendant une année, la collection du Frac Réunion s’invite dans les espaces de la Bibliothèque universitaire Droit-Lettres du campus du Moufia à l’Université de La Réunion.
L’exposition Nous, les portraits est une étape supplémentaire dans ce dialogue engagé en 2021 entre les deux institutions, pensée pour interroger la manière dont les images nous regardent autant que nous les regardons.
Cette exposition réunit les œuvres de Farah Al Qasimi, Samuel Fosso, Pieter Hugo, Gabrielle Manglou, Alice Mann & Mary Sibande.
Le portrait n’est jamais un. Il est toujours affaire de relation, de construction, de pouvoir et de stratégies de résistance. Il commence là où deux présences se croisent — le regardant et le regardé — mais convoque davantage : les régimes d’image, les mythologies collectives, les écarts au réel, les fictions à venir. Il est un genre qui ne cesse de se réinventer, parce qu’il touche à ce que nous avons de plus fragile et de plus politique : l’image de soi dans le regard de l’autre, et inversement.
Le portrait nous renvoie sans cesse à ce mouvement d’échange, de glissement entre les places assignées. Je suis celui qui regarde, celui qui est regardé, celui qui cadre, celui qui pose. Et l’autre, tour à tour, peut être celui qui me dévisage, qui me précède, qui m’imagine ou qui me dévoile. Il n’y a pas de position stable dans l’image. Le portrait, toujours, déplace les frontières entre je et tu, entre sujet et objet, entre fiction assumée et vérité projetée.
Dans les photographies de Pieter Hugo, issues de la série There’s a Place in Hell for Me and My Friends, le portrait devient un lieu de tensions visibles. Les visages de Lebo Tlali et de Jake Aikman, proches et silencieux, sont le support d’une opération radicale : par la manipulation des canaux couleur, Hugo neutre la carnation pour mieux en révéler les variations, les marques du soleil, les couches de mélanine. Ce travail renverse l’idéologie raciale fondée sur la couleur de peau. Là où la photographie a longtemps servi à classifier les corps, à construire des typologies racistes, Pieter Hugo en fait un outil de révélation inversée. Il montre que la peau n’est jamais noire ou blanche, mais toujours mélangée, marquée, altérée — et que le regard n’est jamais neutre. Ces images ne documentent pas simplement des visages : elles documentent notre manière de les regarder.
Ce trouble du regard traverse toute l’exposition. Parfois, le portrait se retourne contre le photographe. Dans Chloé Heydenrych, Paige Titus, Ashnique Paulse, Elizabeth Jordan and Chloé de Kock d’Alice Mann, cinq jeunes filles, drum majorettes sud-africaines, nous fixent depuis un point de vue en contre-plongée. L’objectif est clairement dominé. Ce choix de cadrage renverse l’asymétrie du portrait traditionnel : l’image devient un territoire de puissance, de sororité, de visibilité assumée.
Et parfois encore, le portrait surgit là où il semble avoir disparu. After Dinner de Farah Al Qasimi montre un intérieur saturé de textures, de motifs, de couleurs. Deux corps sont dans le champ, mais aucun visage. Et pourtant, l’image déborde de présence : les postures, les accessoires, les atmosphères construisent un portrait sans visage, mais pas sans identité. L’artiste défait les attentes du genre pour mieux révéler ce qu’il contient d’imaginaire et de contrôle.
Mary Sibande, elle, se glisse dans son propre portrait par procuration. Avec I’m a Lady, elle convoque un alter ego sculptural, Sophie, entre domestique et impératrice, mémoire coloniale et réinvention visuelle. À travers cette figure théâtralisée, l’artiste performe un autoportrait fictionnel, où la revendication d’un autre rôle passe par le costume, la posture et le symbole. À travers ce double, elle ne se représente pas : elle se rejoue. Le portrait devient une construction stratégique, où l’identité se performe à distance, entre mémoire subie et rôle choisi.
Un autre jeu est à l’œuvre avec les rôles et les archétypes au cœur de la série Tati de Samuel Fosso. Le pirate, Le maître nageur, L’homme d’affaire : autant de figures stéréotypées que l’artiste incarne dans un geste critique et jubilatoire. La satire visuelle est grinçante, l’humour devient outil politique. Les portraits sont joyeux et colorés, évoquant une mascarade subversive, où l’artiste décline les figures imposées par la société. Derrière cette apparente légèreté se profile un travail hautement critique : Fosso interroge la manière dont les identités sont fabriquées, vendues, consommées
Enfin, Gabrielle Manglou convoque un autre fantôme du portrait photographique : celui de l’archive coloniale. À partir d’une photo de famille ancienne, elle augmente l’image en y insérant d’autres figures, des motifs colorés, des gestes décalés. Voler dans les plumes devient un contre-portrait, un geste de réparation symbolique face à l’appauvrissement iconographique des peuples colonisés. Derrière la photo figée, elle fait ressurgir une multiplicité de récits et de présences invisibles.
Dans ces œuvres, le portrait n’est jamais simple représentation. Il est trouble, jeu, réappropriation, fiction, lieu de mémoire. Il n’est pas un miroir, mais un prisme — un espace où les identités se déplacent, se rejouent, se mettent en scène. Ensemble, ces portraits forment un “nous” composite, un “nous” qui échappe aux assignations, qui habite l’image sans s’y enfermer. Nous, les portraits, c’est dire que chaque visage est un monde, un espace, une fabrique d’altérité.
Anna Vrinat
FRAC RÉUNION
6, allée des Flamboyants
97424 Piton Saint-Leu
La Réunion
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