exposition dans les murs

Mille Projectiles

Jeudi 20 juin 2024 à 18h00

Anna Solal, @suite1717 (détail) 2023, peinture et dessin, 270 x 125 x 6 cm - Collection Frac Occitanie Montpellier. Photo Daniele Molajoli. © Adagp, Paris 2024
Anna Solal, @suite1717 (détail) 2023, peinture et dessin, 270 x 125 x 6 cm - Collection Frac Occitanie Montpellier. Photo Daniele Molajoli. © Adagp, Paris 2024
21.06.24
12.10.24

Dans les œuvres nouvelles dévoilées dans l’exposition monographique d’Anna Solal au Frac Occitanie Montpellier intitulée « Mille Projectiles », la figure humaine fait son retour au travers de grands dessins à échelle 1 où des personnages, souvent en groupe, apparaissent ; leurs postures rappelant celles que prennent les familles ou bandes d’ami·es pour immortaliser des moments partagés. Leurs têtes sont recouvertes de grandes cocottes en papier, reprenant les principes de filtres Instagram surgissant sur les visages absorbés par les écrans. Ces formes, éléments fantastiques évoquant les mathématiques dans l’univers symboliste d’Anna Solal, illustrent la place qu’ont prise les algorithmes dans notre société. Ces nouvelles règles plus ou moins implicites régissant notre monde nous imposent un hyper contrôle de l’image de soi par rapport aux autres. Le filtre Instagram est un masque, et les tableaux d’Anna Solal inscrivent ces accessoires d’un nouveau type de carnaval dans une certaine histoire de la peinture.

Cet espace offert à la figure humaine impose la représentation du portrait, individuel ou en groupe. Héritière de grands artistes comme les photographes August Sander ou Walker Evans qui représentent les différentes classes sociales de leur temps, Anna Solal s’est très tôt attachée à la figure du banlieusard, qu’on trouvait déjà dans ses premières productions. Cette figure est reliée à une autre récurrence importante dans l’œuvre de l’artiste, celle du lien à l’autre.

La littérature, poésie ou prose, infuse également le travail d’Anna Solal. Les figures singulières voire solitaires du XXe siècle la passionnent. Elle retient par exemple de l’écrivain allemand Ernst Jünger la dimension animiste montrant la possibilité du Mal chez l’Humain dans un univers naturel magnifiquement décrit. Chez la poétesse coréenne Kim Hyesoon, elle observe la capacité à transcrire les expériences les plus marquantes de la vie par un style expérimental, décrivant la spécificité de l’existence d’une femme. Elle chérit aussi la capacité toute particulière de Jean Genet à lier tendresse et brutalité, et à convoquer des éléments archétypaux comme les fleurs pour représenter ce paradoxe. La férocité propre aux images symboliques de Jean Genet, se retrouve dans le titre de l’exposition, Mille Projectiles, qui évoque le feu d’artifice des multiples strates des matériaux qui composent les œuvres d’Anna Solal, comme les multiples techniques qu’elles convoquent. Une dernière référence importante est celle de l’écrivain Edmond Jabès, qui n’a eu de cesse de sonder sa propre judéité pour comprendre l’horreur de la Shoah, en nourrissant une réflexion sur l’écriture et une méditation inquiète sur l’avenir de l’Homme.

Anna Solal a développé son art en se concentrant sur un bricolage assumé et non sur une technicité ancestrale. Elle produit ses œuvres par collage et couture d’objets ou de logos qui créent de nouveaux signifiants. Le fait-main ici n’est pas virtuose, il est volontairement et ostensiblement fabriqué. Très présent dans la pratique de l’artiste, notamment par la représentation des laissés-pour-compte de la société, le déclassement se retrouve dans la pauvreté des matériaux glanés : objets industriels dégradés, mondialisés, typiques de notre époque, comme les écrans ou les puces électroniques, avec leur design caractéristique.

Beauté des fleurs et amoncellements de rebuts électroniques, vêtements ultra contemporains, animaux piégés, ampoules pharmaceutiques et insectes butinant, les relations entre notre humanité et ce qui l’entoure, que ce soit la nature qu’elle altère et la pollution qu’elle engendre, sont au centre de Mille Projectiles. Les allégories nombreuses et paradoxales qui peuplent cette exposition nous autorisent tout de même à imaginer qu’un miracle peut advenir de cette Apocalypse, et qu’il passera par une réconciliation avec le monde vivant et par notre capacité à nous connecter réellement à l’autre, au-delà des écrans et des injonctions à paraitre.

Marine Lang, commissaire de l’exposition

  • Anna Solal
— Commissaire(s) : Marine Lang

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Frac Occitanie Montpellier
4-6, rue Rambaud
34000 Montpellier

contact@frac-om.org
T +33 (0)4 99 74 20 35

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