Depuis 2013, le Frac est installé avec le Conservatoire à rayonnement régional au sein de la Cité des Arts à Besançon. Première commande publique française de Kengo Kuma, le bâtiment fait écho au paysage environnant tout en trouvant un ancrage dans l’histoire de la ville : dressé sur les berges du Doubs et entouré de bastions qui témoignent du temps des fortifications de Vauban, l’édifice comporte une partie réhabilitée en briques, vestige de l’ancien port fluvial.
Le Frac y présente des expositions en lien avec sa collection ainsi qu’une programmation culturelle pluridisciplinaire. Le public est convié à une grande diversité de rendez-vous: rencontres avec des artistes, conférences, performances, soirées vidéo, concerts, danse…
La collection du Frac est « centrifuge » : elle se déploie sur le territoire régional et fait l’objet de nombreux prêts en France et à l’international. Depuis 2015, Le Satellite, camion transformé en espace d’exposition, propose une itinérance des œuvres et va à la rencontre des publics éloignés des centres culturels.
Conformément à ses missions visant à la sensibilisation à l’art contemporain, le Frac accorde une attention particulière à l’accompagnement des publics dans leur rencontre avec les œuvres. Des outils variés sont mis à la disposition des visiteurs : livret de l’exposition, livret adapté au public en situation de handicap, livret-jeux, FracBox pour les enfants mais aussi fiches en braille et maquettes à manipuler. La médiation est envisagée comme une conversation ouverte et active et s’adapte à chacun.
En 2017, le Frac Franche-Comté, dont la collection s’articule depuis 2006 autour de la question du temps, a fait l’acquisition d’une œuvre d’Elisabeth S. Clark intitulée « A Spark Kept Alight » : Au-dessus de nos têtes, une étincelle traverse l’espace de façon discrète et fugace. Cette œuvre offre des similitudes avec le « Poème symphonique pour 100 métronomes » de Ligeti présenté par le Frac en 2014. Tous ceux qui ont assisté à ce concert se souviennent de sa dimension anthropomorphique. Chaque métronome nous tenait en haleine. Chacun était comme le cœur d’un humain qui semblait insister, lutter pour battre le dernier jusqu’au silence complet. Comme l’œuvre de Ligeti, celle d’Elisabeth S. Clark évoque pour moi quelque chose de l’ordre de la persévérance, de la résistance.
Et c’était aussi de cela, de résistance, dont il s’agissait précisément dans l’exposition « Survivre ne suffit pas » proposée au Frac en 2019, laquelle mêlait des œuvres de notre collection aux tonalités politiques et poétiques. Son titre était emprunté au roman d’anticipation « Station Eleven » d’Emily St-John Mandel, paru en 2014, qui disait toute l’importance de la Culture pour l’humanité à fortiori quand celle-ci se trouve en situation de crise, car c’est grâce à la Culture que l’Homme peut conserver ou retrouver son humanité.
En 1966, l’artiste anglais Peter Hutchinson écrivait une courte nouvelle intitulée « Un compte-rendu de l’année 2066 ». Il y décrivait une époque sans artistes et sans besoin d’art. Mais selon l’auteur, cela n’était possible que parce qu’il s’agissait d’une utopie accomplie, d’un monde sans injustice, sans pauvreté, sans guerre, sans frontière, sans pandémie, sans menace climatique ni environnementale. D’ici là, …
Sylvie Zavatta est historienne de l’art et commissaire d’expositions. Elle a été Directrice du Frac Basse-Normandie de 1986 à 2001 puis de l’ESBA Mans de 2001 à 2005. Elle est la directrice du Frac Franche-Comté depuis 2005.
« Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or »
Charles Baudelaire
Dans le prolongement de l’exposition L’homme gris, présentée au Casino Luxembourg par Benjamin Bianciotto, La Beauté du Diable propose d’explorer la présence de Satan dans l’art contemporain sous l’angle de sa figuration et de ses métamorphoses. Au-delà des représentations faisant explicitement référence au Diable ou à sa symbolique, l’exposition vise à interroger l’esthétisation du Mal au travers d’œuvres qui opèrent une transmutation du « repoussant » en jouissance esthétique.
En questionnant nos certitudes et en les confrontant aux résistances structurelles des sociétés occidentales, ces œuvres possèdent une indéniable dimension politique. Elles opèrent un retournement du goût : une alchimie transgressive en quelque sorte. Prenant également appui sur le « non serviam » édicté par Lucifer en un véritable chant de révolte, les artistes refusent à leur tour de se laisser contrôler par une autorité considérée comme injuste ou arbitraire et de se soumettre à la fatalité.
Lucifer se confond avec Prométhée, et l’ange « porteur de lumière » apportant illumination et liberté aux créateurs dans un héritage post-romantique et symboliste. Par le double mouvement de dévoilement de l’horrible (à l’image de l’Apocalypse qui signifie Révélation) et de son revoilement sous des atours séduisants, ils semblent affirmer leur refus de la douleur et de la laideur du monde.
Mais l’exposition interroge aussi le rôle et la place de l’art dans nos sociétés actuelles. La création récente a parfaitement conscience que le danger guette sous le vernis attirant ; elle sait elle aussi jouer de cette ambiguïté, maquillant le réel pour mieux nous charmer, se parant de ornements de la perdition capitaliste et publicitaire.
Enfin, La Beauté du Diable n’éludera pas la dimension religieuse, de la diabolisation de l’art contemporain à sa capacité à raviver le débat au sein de cultures sécularisées. Ambivalente, polysémique et cathartique, l’exposition met en lumière l’oxymore contenu
dans son titre même, assume et défend cette fascination aux effluves faustiennes.
Métamorphoses
Le Satellite du Frac Franche-Comté l’art contemporain près de chez vous
Avec l’exposition intitulée Métamorphoses, le Satellite, galerie mobile du Frac Franche-Comté, prend l’allure d’un musée d’histoire naturelle. Dans ce cabinet de curiosité revisité, le spectateur peut découvrir des œuvres qui interrogent le temps et ses effets sur la matière.
L’exposition Métamorphoses s’ouvre sur le « tableau » liquide et fascinant de l’artiste Hicham Berrada. Cette fenêtre sur un monde en mouvement, fait songer à un environnement marin. Mais à regarder de plus près, il s’agit d’un univers artificiel composé de matières plongées dans des produits chimiques : un réel paradoxe puisque la beauté de cette peinture vivante est le fruit d’une corrosion qu’on imagine toxique.
À ses côtés, six autres artistes de la collection du Frac s’intéressent à la matière et à son passage d’un état à l’autre. À la différence des scientifiques, qui veulent en rendre compte de façon objective, il s’agit pour eux d’en donner une lecture singulière et de les transposer dans des formes sensibles. L’approche créative, intellectuelle et imaginative de ses artistes se constitue autour de la notion de transformation, d’érosion ou de sublimation de la matière. Pour ce faire, ils inventent de possibles devenirs aux matériaux naturels : la neige devient porcelaine, un paysage se cristallise sous l’effet du sel, les êtres vivants se pétrifient dans du verre ou sous l’effet du gel, tandis qu’un coup de tonnerre se mue en une mélodie synthétique.
Ce faisant, Hicham Berrada, Julien Discrit, Élise Grenois, Ilanit Illouz, Hannah Rickards, Nathalie Talec et Lois Weinberger interrogent la question du temps et notre monde qu’il soit en devenir ou proche d’un arrêt imminent.
Frac Franche-Comté
Cité des Arts
25 000 Besançon
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T +33 (0)3 81 87 87 40