Aux frontières de l’audible est la première exposition monographique de Lawrence Abu Hamdan en France.
Deux oeuvres de cet artiste jordanien d’origine libanaise figurent dans la collection du Frac qui, à compter de 2006, s’est structurée autour de la question du Temps et de ses corollaires (durée, mouvement, espace, entropie, mémoire…) et s’est ouverte, de façon logique, à des oeuvres sonores.
L’exposition consacrée aujourd’hui à Lawrence Abu Hamdan participe d’une programmation mettant en lumière le dialogue entre arts visuels et dimension sonore.
Elle s’inscrit notamment dans la continuité des expositions Sound-Houses #1 (2013) composée d’œuvres d’Alvin Lucier et de Tom Johnson, Laisser les sons aller où ils vont (2014) ou encore Max Feed (2016), consacrée à l’œuvre et à la postérité de Max Neuhaus.
Né en 1985, Lawrence Abu Hamdan s’est d’abord consacré à une pratique musicale avant de développer un travail plastique qui, prenant des formes diverses (installations audiovisuelles, vidéos, sculptures, photographies, performances, documentaires audio et narratifs), explore les dimensions politique, juridique et sociale du son et de l’écoute.
Les investigations de cet artiste, qui se définit lui-même comme un « détective audio », témoignent d’une interrogation sur ce que recèle de vérités « l’arrière-fond » sonore de notre monde tout autant que la mémoire que nous en avons. C’est à ce titre que ses recherches artistiques l’ont amené à participer à des enquêtes judiciaires et à intervenir lors de playdoyers pour des organisations comme Amnesty International. Ainsi en 2013, son documentaire audio The Freedom of Speech Itself fut utilisé comme preuve auprès de la Cour britannique du droit d'asile où il témoignait en qualité d'expert. Rubber Coated Steel (2016) et Saydnaya (The Missing 19db) (2017), deux installations présentées dans l’exposition Aux frontières de l’audible, sont également nées, pour la première, de la participation de l’artiste à la campagne « No More Forgotten Lives » pour l’ONG Defence for Children International, et pour la seconde, de ses recherches dans le cadre d'une campagne d'Amnesty International, en collaboration avec Forensic Architecture.
Parallèlement, et comme en témoigne l’exposition, l’artiste poursuit l’inventaire des souvenirs auditifs de traumatismes, de catastrophes et de violences (Earwitness Inventory, 2018 ), dénonce la guerre sonore subie par les Libanais du fait de la violation continue de leur espace aérien par les avions et drones militaires israéliens (Air Pressure, 2022) et interroge, avec Walled Unwalled (2018) et 45th Parallel (2022), la porosité des frontières – à l’heure de la surveillance étatique généralisée – pour mettre en lumière les drames humains dont elles sont la source.
Ainsi, en poursuivant sa recherche à l’intersection du son et du politique, en s’attelant à l’écoute des personnes en proie aux violences des entreprises, des états ou de leur environnement, Lawrence Abu Hamdan s’attache à produire un art engagé dans la recherche d’une autre vérité, une vérité plus humaine, en marge des tribunaux et des laboratoires scientifiques.
Sylvie Zavatta, directrice du Frac et commissaire de l'exposition.
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