Éric Mangion était directeur du centre d’art de la Villa Arson entre 2006 et 2023. Il y a accueilli de nombreuses expositions monographiques et collectives, notamment en lien avec la recherche et l’enseignement. Il a été directeur du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur de 1993 à 2005 dans lequel il a axé une partie de la collection sur des œuvres évolutives. Commissaire ou co-commissaire indépendant de nombreuses expositions en France ou à l’étranger, il fut également directeur artistique du festival Printemps de Septembre 2010 (Une forme pour toute action) et conseiller artistique du festival Live à Vancouver en 2011. Membre de la commission danse du Ministère de la culture entre 2013 et 2016, il a présidé le festival Actoral et Montévidéo (Marseille) entre 2017 et 2023. Critique d’art ayant participé à de nombreuses revues, il assure en 2007 la direction artistique de la revue Fresh Théorie III. Il a été enfin cofondateur et directeur de la rédaction de la revue Switch (on Paper) entre 2019 et 2022.
Après 17 ans passées à la Villa Arson à Nice, j’avais tout simplement envie de travailler différemment, d’être confronté à des publics différents, avec de nouveaux enjeux, de nouvelles expériences.
J’ai été agréablement surpris de découvrir que le travail de terrain, notamment de diffusion de la collection, était toujours très actif, que l’équipe était très engagée et investie. C’est très rassurant d’un côté mais un peu inquiétant de l’autre car ce n’est pas normal que cet engagement ne soit pas reconnu à sa juste valeur.
Je veux avant tout prendre du temps pour écouter l’équipe comme l’ensemble des partenaires en région, ne pas arriver avec des idées toutes faites sans avoir conscience des attentes ou des limites existantes. Par ailleurs, aucun projet artistique et culturel ne pourra vraiment se développer tant que nous n’aurons pas résolu le problème des locaux qui sont à ce jour séparés en trois espaces distincts dans Montpellier et ses environs. C’est totalement schizophrénique de travailler dans ces conditions. Cela ne facilite pas le dialogue interne et crée des équipes dans l’équipe.
En attendant, nous allons bien sûr travailler en tentant de mettre en place certaines actions. J’aimerais notamment faire évoluer le principe d’acquisition vers des projets de terrain plus structurés et structurants, vers des commandes avec des partenaires locaux, vers des œuvres qui intègrent la vie de communautés ou de groupes sociaux-professionnels. Cela ne va pas être simple car ce type d’ambition est toujours complexe à mener, mais cela vaut le coup de le tenter.
En faisant évoluer le principe des acquisitions vers des commandes, il s’agira justement de mettre en place des dialogues différents avec les partenaires, au-delà du traditionnel prêt d’œuvres. Cela ne remet pas en cause le travail de la diffusion de la collection mais cela permet d’être plus « agissant », plus ancré dans le territoire, dans la vie.
Aucune en particulier car le grand avantage d’une collection telle que celle du Frac Occitanie Montpellier (avec plus de 1300 œuvres) est d’offrir une multitude de perspectives, ce qui en fait un vaste terrain d’expérimentation pour sa diffusion. J’aime bien l’idée qu’on puisse entrer dans la collection par plusieurs portes et qu’on puisse ensuite y naviguer librement. En flânant ces dernières semaines sur le site de la collection, j’ai d’ailleurs fait des belles découvertes d’artistes que je ne connaissais pas ou peu.
Là aussi, je veux prendre le temps de discuter avec l’équipe de la relation aux publics que le Frac entretenait ces dernières années. J’ai envie de bien comprendre ce qui est fait autour de la collection. Mais quoi qu’il en soit, on ne crée pas du lien avec les publics en restant confortablement assis sur des principes éculés de la médiation. Au-delà du contenu « éducatif », la diffusion de la collection doit être un prétexte pour créer du lien social en allant vers des réseaux élargis, non pas pour organiser des simples visites d’expositions mais pour être le plus inventif possible. Gaëlle Saint-Cricq, la chargée des publics, organise par exemple le 18 octobre prochain des plaidoiries sur l’art. Je ne sais pas ce que cela va donner mais j’aime bien cette idée. Je suis par ailleurs très attaché aux arts vivants comme à l’esprit des fêtes votives qui sont encore très vivaces en Occitanie, souvent singulières dans leurs animations. J’aimerais par exemple organiser pour certains vernissages dans des communes rurales des bals en invitant des jeunes groupes de musique de la région. J’ai également proposé de lancer un programme de processions pensées et conçues par des artistes, en lien bien sûr avec des collectivités locales.
Soyons honnêtes, il y a un paradoxe évident entre la mobilité nécessaire et indispensable d’un Frac dans sa région et les principes de toute politique éco-responsable dont la base est de réduire au maximum les mobilités. Ceci étant, je compte d’ici un an proposer un plan stratégique sur ces « défis » comme vous les nommez. Ce plan ira de pair avec une proposition sur les locaux, sur le principe des acquisitions, sur la diffusion de la collection et sur nos actions. Quoi qu’il en soit, ce plan ne passera pas par des rêves de grands bâtiments qui brillent de milles feux ni par des manifestations énergivores. Je rêve d’un Frac à dimension humaine proche des gens, proche de tout.
Je suis très pragmatique dans ma conception de l’esthétique. Je me méfie de ce qu’on résume en un pitch, une idée ou une idéologie car pour moi l’art est une somme d’expériences qui forme un mille-feuille de pensées et de formes, de cadres et de lignes de fuite. Je prends beaucoup de temps à « décortiquer » une œuvre.