exposition dans les murs

La Nef des fous, Objets compagnons des transports

Vue de l’exposition « La Nef des fous », 2022, Frac Grand Large — Hauts-de-France © Photo : Aurélien Mole
Vue de l’exposition « La Nef des fous », 2022, Frac Grand Large — Hauts-de-France © Photo : Aurélien Mole
02.04.22
31.12.22

Fiction de pêche miraculeuse sur le septième continent, « La Nef des fous » rassemble de curieux objets de la collection du Design Museum Gent ainsi qu’une sélection de films et pièces musicales d’artistes.

L’exposition porte sur la folie des transports, sur l’évolution des déplacements d’objets, de matériaux et d’individus des années 1950 à nos jours. Écho contemporain à l’œuvre de Jérôme Bosch, tableau réalisé à la fin du Moyen-Âge, l’exposition « La Nef des fous » du Frac Grand Large dépeint la possible fin des sociétés d’opulence matérielle. Sacrifice ou sauvetage ?

LE TRANSPORT : PERTE DE SENS ET QUÊTE VITALE
Faisons l’hypothèse d’une folie propre aux humains : le désir des transports. Reconnaissons la charge frénétique de l’exotisme, des week-ends, des voyages, d’objets d’exportation, du rythme effréné de nos journées, de la sacralisation des voitures, des avions, des fusées.

À l’origine du terme, le transport constituait la manifestation d’une vive émotion. Le transport amou-reux de la littérature du Moyen-Âge fait appel à la puissance des désirs de l’amour courtois, au magnétisme des muses et des troubadours, aux sentiments passionnés, moteurs de grandes traversées. Plus tard, vers 1650, le transport de cerveau décrit l’hystérie et l’égarement causés par les fièvres. Le transport incarne un état bouleversé de l’être, au-delà même du déplacement. Raréfaction des carburants, migrations massives, épidémies, fermetures des frontières : c’est bien à une crise du déplacement à laquelle nous faisons face. Nos besoins de transports doivent-ils être
mis en question ? Les passagers du tableau La Nef des fous mangent, jouent et chantent ; un malaise se dégage de leur transe. Au fil des siècles, l’histoire de cette embarcation de fortune reste à la fois le signe du sens perdu et de nouvelles quêtes vitales.

LA FIN DU MOYEN-ÂGE SELON BOSCH ET BRANDT
Le tableau du peintre néerlandais Jérôme Bosch et le texte de l’humaniste et poète allemand Sebastian Brandt auxquels font référence cette exposition portent tous deux le nom de La nef des fous. Réalisés vers 1500, ils évoquent une période de transition vers une nouvelle société : le passage du Moyen-Âge à la Renaissance, période de crise et de perte de repères moraux, sociaux et esthétiques. La nef (autre terme pour nommer le bateau) figure chez Bosch l’échappée et s’inscrit dans la lignée des paraboles du déluge comme l’Arche de Noé. Dans une embarcation de fortune, une poignée d’hommes et de femmes aliéné.e.s prennent la mer dans l’espoir d’un miracle ou d’une autre réalité. L’histoire La Nef des fous représente tant une issue qu’un enfermement.

La folie constitue au Moyen-Âge un motif pour la peinture. Jérôme Bosch a peint de nombreux tableaux au sujet de la déraison des humains et des choses. À une époque où la religion perd son hégémonie, du fait entre autres de l’avancée des sciences, les croyances païennes et vernaculaires se multiplient et donnent lieu à des imaginaires fantastiques et à l’angoisse des enfers. Dans les paysages de Bosch, les anges côtoient les chimères, les monstres marins, les spectres ; au sein de ce désordre, les humains doivent trouver le sens de leur passage sur Terre. Aujourd’hui exposée au Louvre, la pièce La Nef des fous de Bosch ne sera pas présentée sur les murs du Frac Grand Large ; l’esprit de l’embarcation flottera dans l’exposition comme un fantôme.

LA COLLECTION DU DESIGN MUSEUM GENT
Les objets de la collection du Design Museum Gent incarnent autant des transports concrets, déplacement d’un point à un autre, que des perspectives de transformation, de transition et de traduction, des passages d’un état à un autre.

Un entonnoir mickey, un paravent de miroir, un toaster chromé, des horloges et un réveil-matin de voyage, un centre de table issu de la tradition du navire d’argent, une collection de boites de conservation, des cuillères, des louches et des couteaux, une baignoire, un poste de radio, un poste de TV, deux lampes de chevet enchâssées d’ailes d’oiseaux, un porte préservatif en argent, des cravates aux motifs de virus et d’explosions, une prothèse orthopédique, un verre en plastique pour bébé, une flasque isotherme couverte de fourrure synthétique…

Les objets de la collection ont été sélectionnés pour leur fonctions narratives et sémiotiques – objets comme signes – et non pour leur style. Ils présentent des usages et laissent transparaître l’obsolescence, l’absurdité, la désuétude, l’humour, le kitsch, l’énergie et l’imaginaire des moeurs de la seconde partie du vingtième siècle. Une fois confrontées, leurs esthétiques éclectiques rendent compte de la complexité de nos rapports à la matérialité et ses conséquences contingentes sur les sociétés humaines. Pièces rares et précieuses de la collection et sans pour autant de valeur spéculative, peu montrées dans les musées, ces objets comportent chacun leurs raisons d’être ainsi. Leur beauté réside dans ce qui a constitué la nécessité de leur créateur.trice.s ou usager.ère.s, à un moment donné.

UNE SÉLECTION DE FILMS ET D’IMAGES D’ARTISTES
Plusieurs œuvres d’artistes accompagnent et mettent en tension la collection de design.

It did not happen with us, yet. Safe Haven est un film du collectif d’artistes et d’activistes russes Chto Delat. L’action se déroule sur une île de Norvège identifiée dans un réseau politique comme « havre de paix » pour les artistes dont la vie et la liberté d’expression sont en danger. Dans cette fiction inspirée du réel, un poète, une artiste, une curatrice, un philosophe et activiste débarquent sur la petite île de Sula pour une résidence de création. Les habitant.e.s soutiennent l’accueil d’artistes sur leur île tout en ayant bien conscience de la difficulté de créer quand le voyage a le goût de l’exil ; iels en expliquent les raisons face caméra. Les protagonistes décrivent leur situation politique, confient leurs pensées et réalisent des gestes abstraits sur fond d’horizon. Au pied d’un phare, un jour de brume, il est question du retour; l’un.e après l’autre, iels entonnent : « reste au loin », « reste là-bas ».

En partenariat avec le Design Museum Gent.
Exposition labellisée Biennale Internationale de Design Saint-Étienne.

  • matali crasset, Panamarenko, Allan Sekula, Robert Stadler Studio Swine, Andrea Branzi, Wendy Boudewijns, Vic Cautereels, Pieter de Coster, Bob Daenen, Siegfried De Buck, Sonia Delaunay, Joël Dely, Nora De Rudder, Martino d’Esposito, Thierry d’Istria, Nathalie Du Pasquier, Jean Dupuy, Nedda El-Asmar, Myriam Garouche, Stefano Giovannoni, David Grosemans, Alessandro Guerriero, Zaha Hadid, Patrick Hoet, Henrik Holbaek, Hans Hollein, Armin Homolka, Richard Hutten, David Huycke, Toyo Itō, Claus Jensen, Vincent Jousseaume, Pascal Koch, Chris Koens, Anne Marie Laureys, Jean Lemmens, Anthony Maglica, Marc Melis, Alessandro Mendini, Annie Michaud, Miriam Mirri, Lüder Mosler, Jérôme Olivet, Guido Ooms, Gaetano Pesce, Erik Sijmons, Rolf Sachs, Richard Sapper, Sem Schanzer, Amie Siegel, Bořek Šipek, Philippe Starck, Adriano Stucchi, Matteo Thun, Antoine Van Loocke, Roderick Vos, Dirk Wynants, Baptiste Ymonet, Marco Zanuso
— Commissaire(s) : Une exposition de la curatrice Mathilde Sauzet avec la collaboration du designer Julien Carretero
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